Mise à jour :  23 janvier 2004


LA PSYCHÉ ASTROLOGIQUE

Extrait de Connaissance de l'astrologie,
André Barbault,
Éditions du Seuil, 1975, pages :  187.
( l'extrait couvre les pages : 104 à 114 )

[ page 104 ]   ...  notre savoir propre sur la base d'un savoir extérieur établi. Ainsi, lorsque M. Gauquelin en arrive à reconstituer les types planétaires dans une confrontation avec certaines typologies, il ne fait que souligner notre propre acquis :  nous ne l'avions pas attendu pour établir la corrélation de Jupiter avec l'extraversion et de Saturne avec l'introversion ...
    En outre, son aboutissement actuel n'est que le point de départ d'une voie que nous avons déjà largement exploitée. En effet, aussi précieux que soit son apport, la valeur de ses résultats s'arrête au stade des premières approches, au niveau épidermique de la réalité psychologique. Le type représente un tableau de traits de caractère. Mais, qu'y a-t-il derrière le trait de caractère ?  La « tendance ».
    « La cellule est à la molécule ce que la molécule est à l'atome » ( ... ) « Avec la cellule, la biologie a trouvé son atome », déclare François Jacob. Or, la tendance est à la psychologie ce que sont l'atome à la physique et la cellule à la biologie. Pour être édifié sur l'importance de la recherche au niveau même de la tendance, il suffit de se placer analogiquement dans l'ordre des valeurs que ce biologiste attribue à la cellule :  « unité élémentaire de tout être vivant », celle-ci « assure la continuité du vivant », « est la source nécessaire de tout corps organisé », « possède elle-même tous les attributs du vivant » ( c'est même à elle qu'il faut attribuer les propriétés du vivant ) ... ( 
la Logique du vivant ). Autant dire que l'essentiel de la recherche consiste à travailler ce noyau de la tendance, à entrer à l'intérieur de son univers, au-dedans de lui seulement pouvant se dégager la compréhension d'une histoire humaine et la logique d'une connaissance de ce devenir humain.
    Or, cette recherche prend pied dans l'épistémologie même de l'astrologie, qu'il faut comprendre d'abord comme
création humaine. Il s'agit, en effet, de rejoindre le point de départ de l'esprit qui a fondé la pensée astrologique, la démarche consistant à « découvrir » là même où les anciens ont vécu le phénomène, en saisissant la façon dont celui-ci s'est imposé à eux, ce point de départ étant le plus sûr fil conducteur nous reliant au point d'aboutissement d'un savoir astrologique.
    En effet, l'homme lui-même est au cœur des fondements de l'astrologie, puisqu'il est habité par le phénomène astrologique :  c'est parce qu'il
le vit qu'il la découvre. Et telle qu'elle est née en lui, telle apparaît la racine ou la cellule-mère de l'univers astrologique. Ici, l'agent et le patient sont liés, conditionnés l'un par l'autre, comme le signe et la chose signifiée, comme aussi la chose cherchée et l'esprit qui la découvre et l'interprète.
    A ces origines, l'homme fait les dieux et le ciel à son image, et dans la puissance de cohésion du souffle spirituel qui soulève les humains à la rencontre du monde, le signifié humain va au-devant du signifiant astral qui lui correspond par le moyen et à travers un phénomène de « projection » de l'inconscient collectif. A la base de la puissance psychique qui s'y exprime se présente la rencontre d'un
anthropomorphisme et d'un cosmomorphisme :  l'homme se retrouve dans le monde et le monde s'assimile à l'homme, le mode de signification étant une symbolisation universelle tissée par le lien analogique. De la sorte, s'il existe une parenté profonde entre l'astre et l'homme, c'est que l'astre est anthropomorphe et l'homme cosmomorphe au sein d'une unité vivante 1.
    A l'heure actuelle, si nous ne percevons nul phénomène transitif partant des astres pour arriver à nous, pouvant cautionner le fait astrologique, par contre, nous connaissons donc le phénomène de translation qui s'opère en direction inverse, du cœur de l'être humain au lointain corps céleste. Dans cette démarche émanant de sa nuit profonde, l'homme se signifie lui-même en déchiffrant sa Psyché comme un reflet de l'ordre naturel, se structurant même dans la figure de l'univers.
    Certes, ce mouvement unilatéral nous rappelle que la science établit entre les choses des relations de causalité objectives, alors qu'ici, comme dans la mantique, n'existe que l'être projetant sur l'écran du monde l'ombre de sa propre structure.
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1.
Il existe une commune étymologie des mots « astre » et « être » :  le radical trilitère S-T-R est présent dans le premier et dans la racine du second, et se retrouve dans plusieurs langues







L'Astrologie se résume en ces images populaires : l'homme s'astralise par introjection en s'assimilant un corps céleste et humanise l'astre par projection en plaçant au ciel sa propre créature, l'identification de l'âme humaine et de l'univers étant son fondement psychique.


    A partir de là, toute la question est de savoir s'il peut exister une homologie réelle entre la structure du code interprétatif en œuvre et celle de la réalité du monde. Or, il n'est nullement interdit de le penser :  le Réel étant tenu pour un milieu continu, l'univers est :  non seulement hors de nous mais aussi en nous; l'homme étant lui-même indissociable de ce milieu continu dans lequel il baigne, indissociable de cet homme et de cet univers est aussi, du même coup, sa propre pensée.
    En d'autres termes, l'esprit humain contient ce qui est dans l'univers, et la nature est de la même espèce que ce qui est déposé en lui; on peut ainsi concevoir que les lois de la création et de la réalité universelle puissent se refléter dans les structures de notre créativité psychique et mentale, ce qui n'interdit pas d'imaginer un double processus complémentaire où l'univers devient pensée et la représentation intérieure ordonnance du monde. Nous aurions de la sorte un système dans lequel le signifiant est un analogue du signifié, la signification reposant sur une homologie de leurs structures respectives. Il peut donc y avoir transfert des propriétés substantielles du signifiant sur le signifié; en tout cas, il y a recherche fondée d'un système de signification dans un autre système extérieur et concret qui devient modèle d'interprétation : la vie de l'âme humaine
d'après la nature, d'après les configurations célestes. L'analogie entre les deux entités des deux systèmes permet ainsi l'assimilation de l'inconnu au connu, qui prête à l'inconnu la structure, donc le sens, du connu. Telle apparaît la conception structuraliste d'une sémiologie de l'astrologie.
    A sa source interne, on voit donc l'astrologie surgir du tréfonds ancestral de l'âme collective faite anthropologiquement. Cette base intrinsèque, qui fonde la coextensivité universelle de l'être humain, au sein de laquelle s'unissent Macrocosme et Microcosme, le premier étant au second ce que le second est au premier, C. G. Jung en a donné la justification psychologique :
« En tant que la personnalité ( ... ) est inconsciente, elle ne peut être distinguée de tout ce que ses projections contiennent, c'est-à-dire qu'elle est identique à une partie considérable de son entourage, ce qui correspond à la participation mystique. Cette situation est la plus haute importance pratique, étant donné qu'elle permet d'expliquer les symboles particuliers par lesquels cet état se traduit dans les rêves. Je veux parler des symboles du monde environnant et des symboles cosmiques. Ces faits constituent le fondement psychologique de la représentation de l'homme comme microcosme, lequel est relié, comme on le sait, au macrocosme par les composantes du caractère formulées en termes astrologiques 2. »

    En langage psychanalytique, ces liens du macrocosme et du microcosme existent dans l'état inconscient, faisant du cœur humain la cellule de l'univers astrologique. Les liens de l'homme et du ciel trouvent, en effet, comme support l'affectivité humaine et comme mode relationnel l'identification dans ses deux états :  la projection qui fait l'homme cosmomorphe et l'introjection qui fait l'astre anthropomorphe.
    C'est cette souche psychique anthropocosmomorphiste qui donne à l'astrologie sa condition générale de connaissance. Cet état de base constitue, en effet, tout à la fois la clé de voûte du système de la croyance astrologique millénaire et universelle, la racine-mère de la théorie philosophique macrocosme-microcosme sur laquelle se fonde l'Art royal, aussi bien que la matière même ( la substance de l'affectif humain ) qui est traitée au cœur de la pratique astrologique.
    Au niveau de notre exploration épistémologique, l'astrologie est donc, originellement et diachroniquement, c'est-à-dire telle qu'elle est née et nous est venue, un système créé
par l'âme humaine pour l'âme humaine; en effet, en elle, c'est la Psyché qui se cherche et se configure au regard de l'univers, son miroir. On peut donc définir sa phénoménologie :  l'âme humaine tout à la fois comme sujet et comme objet, dans et au regard de l'univers.
    Cela revient à dire que
l'inconscient — où plonge la tendance par sa racine — est le royaume du phénomène astrologique : il est le « lieu » où l'astrologie a pris naissance, où l'astrologie populaire puise sa foi, où l'astrologie savante dresse sa philosophie de la vie, où la pratique astrologique est perpétuellement opérationnelle ...
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2.
C. G. Jung, Les racines de la conscience, Buchet-Chastel, 1971.

    Sans parler des manifestations du phénomène astrologique qui, intrinsèquement, ont les propriétés spécifiques du processus inconscient. Il est donc naturel que le système de décodage et d'interprétation du langage astral relève, d'abord et essentiellement, d'une herméneutique psychanalytique 3.
    Il est naturel que l'homme soit au cœur des fondements de l'astrologie, puisque celle-ci s'exprime en son sein, dans le champ des manifestations humaines. Il suffit de laisser parler sa sensibilité pour qu'aussitôt l'on ressente les liens qui nous attachent au monde, que l'on se sente vivre en autrui ou que l'on sente autrui vivre en soi, dans l'annulation des frontières de l'entité humaine. Jung déclare que « 
l'âme pourrait être à la fois un point mathématique et avoir l'immensité d'un monde planétaire »; à ce niveau inconscient, en effet, l'homme est agrandi aux dimensions du cosmos, autant que le cosmos est condensé en lui, vivant dans un monde de symboles et un monde de symboles vivant en lui. Les poètes ont chanté à l'envi ces états de participation :  Verlaine, habité par un automne intérieur, dont l'âme de violon est « pareille à la feuille morte »; Poe fondu dans ses paysages mortuaires, noyé dans ses eaux lugubres ...
Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Dans une ténébreuse et vivante unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

    Dans le « temple » de la Nature, c'est ainsi que, sur le parcours de longues chaînes de « correspondances » établies par le clavier de nos « affinités électives », l'être humain est réellement uni au monde, jusqu'à se sentir solidaire de son étoile. Ici, macrocosme et microcosme ne sont plus finalement qu'un seul et même monde dans l'unité originelle de la création, au carrefour de toutes les expériences sensibles où l'être engage son affectivité :  dans le rêve, dans le jeu, dans l'amour, dans la poésie, dans la foi ...   [ ... ]
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3.
C'est l'un des patrons de la psychanalyse, le Dr René Allendy, qui a préconisé cette voie, explorée à ses débuts par Jean Carteret, Roger Knabe et moi-même, à la fin de la dernière guerre en France.

[ page 114 ]    Précisément, le raisonnement par analogie est plus un mode de pensée d'artiste que de savant, car il passe par le « sentir », devant épouser les démarches mêmes de la vie intérieure, quand le fil de celle-ci tisse le destin sur motif analogique. Et le pouvoir de cette fonction de tissage de l'âme est immense :  l'enfance n'a besoin d'aucune intervention de fée pour transformer une citrouille en carrosse ou un sabot en pantoufle de vair; chaque jour, sous tous les cieux et depuis la nuit des temps, elle métamorphose un morceau de bois en cheval, un chiffon en poupée adorée, un soldat de plomb en figurine héroïque ...,  faisant d'un dérisoire objet un maître du monde. Il faut toutes les forces des contraintes familiales et sociales pour réfréner ces merveilleuses épopées de l'imagination créatrice; sans les moqueries, gronderies et autres quolibets, le merveilleux déroulerait sa trame et se prolongerait à l'infini. Encore ne faut-il point croire, d'ailleurs, qu'il meurt avec l'enfance :  il ne fait que se transformer avec l'âge, le jardin intime faisant pousser d'autres fleurs, le symbole ne cessant pas d'y être présent puisqu'il est toujours là où règne la sensibilité et où l'imaginaire fait refleurir le mythe.
    Dans la figure de la configuration générale que dessinent les astres autour du nouveau-né, nous avons la pleine représentation d'un cosmos consubstantiel à
l'être intérieur. Pour cet être intérieur, qui exerce un tel pouvoir dans l'enfance, mais qui ne perd jamais tout à fait ses droits, « le monde est notre représentation », pour reprendre la formule de Schopenhauer :  ce n'est pas l'événement « en soi » qui compte, c'est la représentation que l'être s'en fait par le sentiment qu'il en éprouve. Ici, les valeurs de la vie, tenant à nos « constellations de l'espace du dedans » comme l'entendait Paracelse, nous marquent à travers le tissu de notre sensibilité, laquelle, d'elle-même,anime notre vie, la construit et la réalise sur le mode analogique, telle une ombre chinoise projetée sur l'écran de l'extérieur. Valéry disait :  « Les événements sont l'écume des choses. C'est la mer qui m'intéresse. » C'est précisément cette mer du Moi profond que met en cause cet être intérieur. A bien des égards, la vie y est bien plus réelle que dans la sphère des manifestations visibles, plus ou moins superficielles de l'existence « historique ».   
[ ... ]




LECTURES SUGGÉRÉES

Loin de moi la prétention d'avoir presque tout lu d'important dans le domaine de l'astrologie.
J'ai lu plusieurs livres avec chacun leur degré d'importance quant à mon intérêt psycho-comportemental du sujet astrologique.
Nul n'est besoin de vous dresser la liste complète de ma collection bibliographique. À chacun sa liste, quoi. Cependant, outre les livres cités en référence sur ce site, je vous suggère quelques titres auxquels je me réfère à l'occasion pour les besoins d'une analyse.

1
De la psychanalyse à l'astrologie,
André Barbault,
Éditions du Seuil, 1961, pages :  195.
2
Les structures anthropologiques de l’imaginaire,
Gilbert Durand,
Paris, Dunod, 1969
3
Psychologie zodiacale,
Robert Dax,
Éditions Arista, Paris, 1983, pages :  278.




Conception et RéalisationJacques Bergeron — Montréal - Québec