Mise à jour :  27 juillet 2015


SUMÉRIENS ET HITTITES

Extrait de Encyclopédie des mystiques,
tome 3, de Marie-Madeleine Davy,
Éditions Seghers, 1978, pages :  435.
( l'extrait couvre les pages : 76 à 79 )

[ ... ] grands dieux — , elle a une ennemie, l'eau sauvage et féroce, l'eau destructrice, celle des grands abîmes marins qui est personnifiée dans une déesse du mal, Tiamat, en révolte contre les dieux bons : An, dieu du ciel, Enlil, dieu de l'atmosphère et Enki, dieu de l'eau douce et de la sagesse, dieu du savoir caché.
    Avant d'analyser les notions cosmologiques et les expériences psychologiques qui ont préformé le caractère de ces grandes divinités, il faut donner une courte esquisse de l'évolution historique et du destin de la civilisation et de la religion des Sumériens. On ne pense pas qu'ils furent les premiers occupants du bassin mésopotamien. Ils étaient peut-être descendus vers les plaines fertiles, des montagnes qui les surplombent au nord-est. Un trait caractéristique de leur architecture religieuse semble rappeler le souvenir d'un culte très anciennement célébré sur les hauteurs : la « ziggourat », plate-forme pyramidale, puis large tour à étages superposés, d'étendue décroissante vers le sommet, et dont chaque temple est pourvu. A chaque ville son temple, à chaque temple sa ziggourat. Leur rôle est encore mystérieux, ainsi que le symbolisme qui s'exprimait peut-être dans leur architecture.
    Cette superposition pyramidale donne aussi une image des superpositions, religieusement observées, qui ordonnent la hiérarchie cosmique ainsi que la hiérarchie sociale, qui en est la reproduction pour les Sumériens. L'ordre est sacré, l'ordre est divin. C'est l'ordre qui assure vie et prospérité — donc bonheur. Le sol, de sable et d'argile, n'est fertile que grâce à l'irrigation. Et la reconnaissance, en réponse à cette fertilité, sera faite de deux sentiments superposés : gratitude envers les dieux, qui dispensent l'eau de vie; et gratitude envers le Roi, qui a su ordonner, distribuer les bienfaits de cette eau. Un grand titre de gloire, que les rois rappelleront dans bien des inscriptions, aura été de faire ouvrir, puis d'entretenir les canaux qui assurent la vie au pays de Sumer.
    Il y avait en Sumer un fonctionnaire important : l'« Inspecteur des canaux ». Son rôle était si éminent que les rois eux-mêmes et les dieux se paraient de ce titre. Citons deux inscriptions :
« ...  Du levant au couchant, Enlil élimina la terreur :  les pays vivaient en paix, le peuple irriguait dans la joie ... »
«  ...  Qu'Enlil, le roi de tous les pays, dise ma prière à An, son père bien-aimé !  Qu'il ajoute vie à ma vie !  Qu'il fasse vivre en paix les pays !  Qu'il fasse croître le peuple aussi dru que l'herbe !  Qu'il rende prospères les étables célestes !  Qu'il regarde le peuple avec faveur !  Qu'il n'altère point le sort favorable qu'il à décrété pour moi !  Que je sois à jamais le premier prêtre et l'irrigateur ! ... »

    De la première de ces citations, retenons bien ces mots: « le peuple irriguait dans la joie ». Toute une psychologie religieuse se reflète ici faite à la fois d'une joie matérielle de prospérité, d'activité et aussi d'une joie psychique. L'eau bienfaisante, l'eau ordonnée, est à la fois l'aliment et le symbole de cette plénitude de joie. Le peuple à Sumer était un peupte de jardiniers heureux. C'était aussi un peuple de pâtres :  l'eau irriguait de verts pâturages nourrissait un nombreux bétail. Le pâtre, lui aussi, recherche l'ordre :  il doit l'assurer dans son troupeau. Et le roi qui fit dicter cette inscription se glorifie d'être « pâtre et irrigateur ».
    Toute une psychologie religieuse de l'eau mérite d'être étudiée. Il y a un paraIlélisme entre les mouvements de l'eau et ceux de notre pensée; la «  dynamique »; de la pensée, c'est en partie la dynamique d'un fluide. La méditation incitée par l'écoulement régulier de l'eau favorisera dans le psychisme l'établissement d'un ordre, qui lui permettra l'épanouissement de toutes ses possibilités, de toutes ses fertilités jusqu'à l'expérience mystique, suprême fertilité, dernière transmutation de notre énergie. Ordre ultime.
    Les bienfaits que l'eau recèle — ou qu'elle fait jaillir des profondeurs de notre psychisme — avaient été enseignés aux ancêtres des Sumériens, selon une vieille légende, par un dieu, à la fois homme et poisson. C'est la légende d'Oannès ( du sumérien Ouanna ), légende rapportée par un prêtre de Babylone, contemporain d'Alexandre, Bérose, qui écrivit en grec un livre, « dont des extraits nous ont été conservés par le célèbre évêque de Césarée, Eusèbe, qui vivait six cents ans plus tard. »
Ajout du 5 Août 2010 :
[ ... ]  As Greek and Roman astronomers going back to the 3rd century B.C. attested, these three constellations were deemed to occupy the 'watery zone' of Neptune in the heavens - a tradition going back to ancient Mesopotamia which associated the three with the god E.A. ("He whose home is water"), the original god of the Seas and their Fishes (see Fig. B). Greek savants also quoted the tale by the Babyloniam priest Berossus of the divine Fish-man 'Oannes' who had waded ashore from the Persian Gulf and gave Mankind civilization. These details dovetail with Sumerian texts according to which EA (later also knowns as ENKI) was the leader of the first group of astronauts from Nibiru who splashed down in the Persian Gulf and waded ashore, dressed as Fishmen (Fig. C).   [ ... ]

Source :  site Web de Zecharia Sitchin
À la partie du texte intitulée : " Astounding Links to Ancient Legends "
http://www.sitchin.com/#global_warming

Ajout du 1er Janvier 2012 :
Vous trouverez sur Wikipédia les définitions suivantes :
Bérose  à  http://fr.wikipedia.org/wiki/Bérose
Oannèsà  http://fr.wikipedia.org/wiki/Oannès
Apkalluà  http://fr.wikipedia.org/wiki/Apkallu

    « Au rapport de Bérose, Oannès avait tout le corps d'un poisson, mais, par-dessus sa tête de poisson, se dressait une autre tête qui était celle d'un homme, tandis que des pieds d'homme se dégageaient de sa queue de poisson. Ce monstre était doué de la voix humaine et passait la journée au milieu des hommes, sans prendre aucune nourriture; il enseignait la pratique des lettres, des sciences et des arts de toutes sortes, les règles de la fondation des villes et de la construction des temples, les principes des lois et de la géométrie. Il apprenait aussi aux hommes les semailles et les moissons; en un mot, il leur donnait tout ce qui contribue à la douceur de la vie; si bien que, depuis lors, rien d'excellent n'a été inventé. »
    Il ressortirait de cette légende que la civilisation, dans les vieux souvenirs des Sumériens, conservés par la mémoire collective, n'aurait pas été lentement et graduellement inventée, mais révélée, apportée en une fois, et en sa totalité. Elle aurait été importée, par-delà les eaux du golfe Persique, du bassin de l'Indus, qui borde les anciennes civilisations de Harapa et de Mohenjo-Daro. Les archéologues furent surpris, eux aussi, dès les premières fouilles, de se trouver devant une civilisation achevée à l'aube du troisième millénaire avant notre ère.
    Ils découvrirent des petits îlots concentriques éparpillés dans le bassin inférieur de la Mésopotamie. Chaque îlot était une Cité-Etat. Elle était la propriété d'un dieu, dont le temple était la maison. Le roi, dont le palais, à l'origine jouxtait le temple, était au nom du dieu l'administrateur de ce domaine, qui se prolongeait, au-delà des maisons, par des jardins et une banlieue faite de champs et de pâturages. Un réseau de canaux et de digues — protégeant des crues — irriguait ces campagnes et enrichissait les villes par un commerce fort actif de batellerie fluviale et aussi maritime. Citons cette inscription :
« Pour Nanna, le fils aîné d'Enlil, son maître Ur-Nannu, L'homme fort, le roi d'Ur, le roi de Sumer et d'Akkad, qui a bâti le temple de Nanna, a rétabli l'ancien état de choses : le long de la côte, des [ ... ] rendirent le commerce maritime sûr; il restitua à Nanna les bateaux de Magan. »

    Ces quelques lignes mutilées offrent un bref raccourci des vicissitudes historiques de Sumer. Il suffit de les commenter rapidement. Nanna ou Inann déesse de l'amour, était la patronne de la ville d'Ur, la plus célèbre de ces Cités-Etats. Le roi, l'homme fort — intermédiaire entre la divinité et les hommes — a rétabli l'ordre aboli pour un temps par les invasions des pillards. Il a rebâti. Il a rétabli le commerce avec la lointaine Magan ( qui parfois désigne les Indes, et, parfois l'Ethiopie ).
    Et il n'est plus seulement le roi d'Ur, il est aussi le roi de Sumer et d'Akkad. Les séductions de la civilisation sumérienne ont attiré les pillards, elles ont aussi attiré les caravaniers les Sémites nomades venus en voisins par le désert. Ils ont d'abord campé, puis ils se sont installés à demeure et ont cohabité avec les Sumériens. La puissance d'attraction des villes s'est doublée d'une énorme puissance d'assimilation [ ... ]
_________________

Voir Wikipédia :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Sumer




MÉSOPOTAMIE

l'écriture, la raison et les dieux
de Jean Bottéro,
nrf, Éditions Gallimard, 1987, pages :  397.
( l'extrait couvre les pages : 297 à 302, 349 et 352)

[ ... ]    Si maintenant nous cherchons le modèle sur lequel ont été calqués cet office et cette image d'Enki/Éa, autrement dit ce qui y correspondait en la société mésopotamienne ancienne - comme le roi y a fourni le diagramme du détenteur surnaturel du pouvoir sur tout l'univers :  ci-dessus p. 257 -, peut nous mettre sur le chemin un mythe assez mal connu celui des apkallu *, calculé pour répondre à la question :  comment Enki/Ea, « inventeur » de la civilisation et des techniques, les a-t-il insérées dans l'histoire et révélées aux hommes ?
    Ce mythe ne nous est pas conservé comme tel et d'une teneur :  il nous faut en partie le reconstruire. Nous en devons tout d'abord le propre canevas à Bérose *, ce « prêtre babylonien de Bêl * » qui, vers 300 avant notre ère, a résumé en grec la « philosophie » et l'histoire de son très vieux pays.

    En Babylonie, nous explique-t-il, quantité d'hommes venus d'ailleurs s'étaient installés en Chaldée (partie de la Basse-Mésopotamie attenant au golfe Persique), où ils menaient une existence inculte, pareils à des bêtes. Une première année, alors, apparut ...  sur le rivage un monstre extraordinaire sorti de la mer Rouge et appelé Oannès. Son corps entier était celui d'un poisson avec, sous la tête, une autre tête insérée, ainsi que des pieds, pareils à ceux d'un homme - silhouette dont on a préservé le souvenir et que l'on reproduit encore de notre temps. Ce même être vivant, passant ses jours parmi les hommes, sans prendre la moindre nourriture, leur apprit l'écriture, les sciences et les techniques de toute sorte, la fondation des villes, la construction des temples, la jurisprudence et la géométrie; il leur dévoila pareillement la culture des céréales et ta récolte des fruits; en somme, il leur donna tout ce qui constitue la vie civilisée. Tant et si bien que depuis lors on n'a plus rien trouvé de remarquable ( sur ce chapitre ). Au coucher du soleil, ce même monstre Oannès replongeait en la mer pour passer ses nuitées dans l'eau :  car il était amphibie. Plus tard apparurent d'autres êtres analogues ... , sept en tout, que Bérose nous décrit ailleurs comme également issus de la mer Rouge et ichthyanthropes, et qu'il rattache chacun à l'un des règnes antédiluviens 1.
    Bérose est un auteur toujours digne de foi; et, dans la tradition littéraire sumérienne et akkadienne, on relève aisément plus d'un trait qui recoupe son énarration ou y laisse entrevoir une tradition vénérable. Un court récit mythique, inséré dans un exorcisme 2, fait allusion à sept brillants apkallu, qu'il compare à des carpes, parangon de splendeur et d'éclat, dans l'imagerie poétique du cru, et qui ont assuré le succès des plans divins tirés pour le ciel et la terre. De son côté, la célèbre Épopée d'Erra * 3 évoque également les sept apkallu de l'Apsû, carpes saintes, qui, pareils à Éa, leur patron, avaient recu ( de lui ) en partage une ingéniosité extraordinaire. Un autre document, une liste d'époque séleucide 4, énumère seize personnalités, rattachées chacune au règne d'un souverain,
_________________
1.
P. SCHNABEL, Berossos, p. 253 S.: III.
2.
E. REINER, The Etiological Myth of the " Seven Sages ", Orientalia, N.S., XXX, 1961, PP. I-II.
3.
Mythes et rites de Babylone, p. 233, vers 162.
4.
H. J. LENZEN, XVIII. vorläufiger Bericht über die ...  Ausgrabungen in UrukWarka, I962, PP. 44-52 ( J. VAN DIJK).

auprès duquel chacune semble avoir joué le rôle de ces sages, traditionnellement placés, en Orient, à côté des rois, comme conseillers, et que les Arabes appelaient leurs « vizirs ». Elles sont réparties en trois subdivisions :  la dernière, qui en compte huit, remonte du règne d'Asarhaddon ( 680-669 ) au Déluge, et leur confère le titre d'ummânu; la seconde, au temps du Déluge, et la première, auparavant, en alignent également huit, ensemble, mais les appellent apkallu. Tout se passe donc comme si les apkallu n'étaient que les ummânu du temps mythique :  diluvien et antédiluvien. Or, le mot akkadien ummânu se réfère à des personnages d'un certain calibre et qui peuvent être tout ensemble des sages, des lettrés ( certains de ceux que mentionne la susdite énumération nous sont connus par ailleurs comme écrivains et « auteurs », par exemple, l'un de l'Épopée d'Erra, l'autre de l'Épopée de Gilgames * ), mais aussi des gens de métier particulièrement compétents chacun en sa spécialité : dans un pays où l'usage purement spéculatif de la réflexion et de l'esprit était pratiquement inconnu et où savoir et intelligence se trouvaient finalisés par la réalisation et la réussite, le cumul de ces notions sur un même vocable n'a rien de surprenant. Les ummânu en question étaient donc à la fois des sages conseillers du roi et des façons de superexperts à son service, comme nous en avons par ailleurs, en Mésopotamie même, quelques exemples édifiants — tel, pour n'en citer qu'un, Mukannisum sous le roi de Mari Zimrilim ( vers 1780 ) 1. Les détenteurs du pouvoir, comme tels et sauf exception, n'avaient guère pu être initiés, en leur jeune âge, à l'immense domaine du savoir, de la connaissance des problèmes techniques, dont le rôle était pourtant considérable dans une société aussi « industrielle » et vouée à la production et à la transformation des biens utiles selon des procédés traditionnels efficaces hautement développés :  la présence auprès d'eux de tels experts était donc indispensable, et le mythe a pris aux souvenirs de l'âge historique cette figure de l'ummânu, sage célèbre, esprit profond, connaissant tout, pouvant trancher de tout avec justesse et sagacité, souvent promoteur ou inventeur de techniques nouvelles, pour la transposer dans le temps mythique, en lui conférant seulement une auréole encore plus éclatante, qui se trahit dans la désignation d'apkallu sorte de superlatif sumérien d'ummânu. Supertechniciens, sages incomparables, génies fameux, ils ont été considérés comme les héros civilisateurs, ceux qui ont enseigné aux hommes, encore frustes, tout ce qui constitue la vie civilisée, comme s'exprimait Bérose, lequel précisait :  l'écriture, les sciences et les techniques, catégories que les Grecs et nous-mêmes distinguons beaucoup mieux qu'on ne le faisait en Mésopotamie, où l'on n'y voyait d'abord que des procédés traditionnels efficaces, sans donner tant de poids au fait qu'ils requéraient principalement l'usage des mains ou de l'esprit.
_________________
1.
O. ROUAULT, Archives royales de Mari, XVIII.

    Ces apkallu sont donc rattachés à Éa, leur patron, et le premier d'entre eux est surnommé Adapa, le Sage ( p. 296 ), dont le nom connu par la liste séleucide plus haut résumée, était précisément U'anna: Oannès. Éa s'est servi d'eux pour introduire la culture dans l'histoire de son pays: les grands progrès techniques, les éléments successifs de la haute civilisation qui avaient fait de la Basse-Mésopotamie, puis de Babylone, le pôle culturel du monde. Ici encore, nous sommes incapables d'isoler les réminiscences historiques fossilisées dans le mythe des apkallu. Du moins voyons-nous clair comme le jour, non seulement qu'il illustrait aussi, à sa façon, l'idée que l'on s'était faite d'Enki/Éa, inventeur de toutes les commodités de la vie, de toutes les techniques, de toute la culture, qu'il avait peu à peu apprises aux hommes, avec le temps, par ses envoyés extraordinaires, les apkallu; mais également qu'il supposait d'eux à lui de profondes affinités.
    Précisément, l'un de ses titres traditionnels, que lui avaient conférés la dévotion ou la théologie ( et qu'il a du reste transmis à son fils Marduk ), était akal ilî 1 : l'apkallu des dieux, ce que nous nous garderons bien de traduire, comme on le fait couramment :  le plus sage des dieux, mais, au pied de la lettre : celui qui, entre les dieux, joue le rôle d'apkallu, autrement dit :  celui qui se trouve placé, comme un « vizir » intelligent, subtil, sage conseiller, aux ressources inépuisables, auprès du souverain des dieux, lequel sans lui n'aurait su faire toujours bon usage de son pouvoir — l'histoire du Déluge était là pour le démontrer ( voir p. 269 ). Son office était différent de celui du gouvernement — et c'est pourquoi les deux ont été hypostasiés en deux personnalités distinctes; mais il en était le complément indispensable — aussi le mythe les a-t-il juxtaposés. À côté de l'autorité, du pouvoir, du commandement efficace, de la prestance, il fallait sans faute la vue claire et profonde, l'intelligence, la sagesse, pour donner un sens positif à ces ordres — c'est ce que l'on peut appeler « la fonction technique du pouvoir », éminemment incarnée dans Enki/Éa.
_________________
1.
Voir notamment Chicago Assyrian Dictionary, A/2, p. 171 s.

    Une telle disposition souligne d'abord avec force combien le système des dieux n'était, en Mésopotamie, que la traduction et le reflet de l'organisation sociale, économique et politique des hommes ( déjà, notamment, p. 256 s. ). À ce point que si cette dernière, mieux connue, peut nous aider à entendre plus d'un recoin obscur de la théologie, où elle se retrouve, les développements de la théologie, à leur tour dûment analysés et pénétrés, éclairent bien des aspects de la pratique ou de l'idéologie qui commandaient la vie en commun et la façon de voir des antiques habitants de ce pays. Rien, par exemple, ne nous permet une plus vive aperception de la forme qu'ils avaient donnée à la souveraineté, que leur mythologie du pouvoir divin ( ibid ).
    De même, l'image d'Enki/Éa, et la mise en avant de ce qu'elle représentait, nous introduit-elle, mieux sans doute que toute autre considération, à la vision que ces vieilles gens avaient de leur propre culture, à leur hiérarchie sociale des valeurs et jusqu'à leur propre façon de concevoir et de priser l'activité de leur esprit.
    Ce n'est point le dieu de la Guerre, ou celui de la Justice, dont ils avaient flanqué inséparablement leur souverain de l'univers, mais le dieu de la Technique :  pour eux, du reste, guerre et justice, nous l'avons vu dans Inanna et Enki ( p. 287 s. ), n'étaient que des moyens, parmi d'autres, de mieux vivre, des procédés traditionnels efficaces pour obtenir sécurité et prospérité — des techniques.
    S'ils ont élu le dieu qui les commande toutes pour présider, côte à côte avec son souverain, à la marche de l'univers, c'est parce que — mille traits de leur mythologie et de leur histoire nous le démontrent — la civilisation entière de leur pays, toute leur vie et leur manière de vivre étaient fondées d'abord, depuis la nuit des temps, sur le travail en commun, la production et la transformation extensive de biens utiles. Dans un pareil système, tout est commandé, en définitive, par une activité de l'esprit, qui recherche, invente, promeut, perfectionne des procédures, non pas tant pour mieux voir que pour mieux faire. Toute la connaissance, toute l'intelligence se trouvaient donc polarisées par la production et l'action, se réalisant aussi bien dans le « jugement pratique » de l'artisan, ce que nous appelons « le métier », que dans la sagacité et la capacité d'adaptation du tacticien, et le « bon sens » et l'astuce de ce que l'on connaissait autrefois, en français, sous le nom de « prud'homme » — tant sur le plan collectif que de la réussite individuelle.
    Dans ces conditions, il était comme inévitable que le dieu où s'était incarné ce type de sagesse dont la forme la plus parfaite était constituée par la connaissance-technique-qui-réussit-toujours, fût mis au premier rang, juste après le suppôt du pouvoir souverain sans lequel il n'y aurait pas eu de vie sociale possible, et que sa fonction fût présentée comme le parachèvement de ce pouvoir. Et ce dieu n'était pas un « ancien », un « vieillard », comme Anu, le patriarche de la dynastie divine, à qui l'on aurait bien pu songer, après tout, pour lui confier le rôle de conseiller :  c'était un dieu plus jeune, Éa — comme pour insister sur sa capacité, non seulement de lumières, mais d'action, de rapidité et de souplesse, aussi indétachables de la « fonction technique » que de la « fonction de gouvernement », qui composaient la double face du pouvoir.     [ ... ]
_________________

Apkallu
Désignation d'origine sumérienne ( le sens précis en est inconnu ) des sept « Sages », héros civilisateurs envoyés par Enki/Ea enseigner la culture aux habitants archaïques de la Mésopotamie ( p. 297 s. ), et dont le premier était U'anna/Adapa.
Bérose
Lettré babylonien qui, peu après 300, a mis en grec l'histoire et les traditions de son pays. De ces Babyloniaka, il ne nous reste que des lambeaux, fort précieux vu le sérieux de leur auteur ( pp. 172, n. 1 ; 297 s. ).
Bêl
Mot akkadien qui signifie « le Seigneur » et s'entend de Marduk.
Erra
Autre nom de Nergal. Il était le héros d'une large composition d'environ sept cents lignes, sur cinq tablettes, appelée Poème ou Épopée d'Erra, dont un tiers environ est perdu. Écrit sans doute aux alentours de 850, il expliquait les malheurs de Babylone, et sa résurrection, par la volonté destructrice d'Erra, finalement apaisée. Voir p. 298 s.
Gilgames
Nom sumérien ( de signification incertaine ) d'un roi « d'Uruk », au second quart du IIIe millénaire, très vite devenu le héros d'un certain nombre de légendes en sumérien, et plus tard divinisé ( p. 330, n. 1 ). Le contenu de la plupart de ces légendes a été repris en akkadien et rassemblé en un récit suivi, d'une grande vigueur et d'un réel souffle poétique :  c’est ce que nous appelons l'Épopée de Gilgames. Y étaient contées les prouesses de ce dernier, avec son ami Enkidu, sauvage acculturé, et comment, après la mort prématurée de ce dernier il s'était mis à chercher le moyen de vivre sans fin, puis était revenu chez lui, bredouille. L'état sous lequel nous connaissons le mieux cette œuvre est celui que nous a fourni d'abord la Bibliothèque d'Assurbanipal :  nous l'appelons l'édition ninivite, en onze tablettes et dont il nous reste à peu près les trois quarts ( 233 s. ). Des fragments plus anciens ( notamment ceux « de Pennsylvanie », « de Meissner », etc. ) donnent à croire qu'il a pu exister une ( ou plusieurs ? ) version(s) ou édition(s) paléo-babylonienne(s) de l'œuvre ( p. 141 s. ). Plus tard, l'on a ajouté à l'ensemble, en une « Xlle tablette », la traduction akkadienne d'une des légendes en sumérien :  Gilgames, Enkidu et l'Enfer ( p. 264 ).
_________________

Voir Wikipédia :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Mésopotamie
Voir Wikipédia :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_royale_sumérienne
Voir « La mythologie mésopotamienne et les récits du Déluge » :  http://www.normalesup.org/~pcuvelier/wwwmythes/Exposemythologiemesopotamienne.pdf

Ajout du 27 Juillet 2015 :
À propos de « L'Épopée de Gilgameš », voici la présentation au lecteur de Jean Bottéro :
« à l'usage de l'honnête lecteur, simplement curieux d'élargir quelque peu sa vision de l'Épopée et du monde dans lequel elle est enracinée. » ( page 14 )
« C'est l'âme de l'archaïque population de nos plus vieux parents discernables, au loin, qui nous est, de la sorte, entreouverte par la lecture de ce chef-d'œuvre immortel, ruine superbe et opulente. » ( page 18 )



[ ... ]  Les anciens Mésopotamiens n’avaient de l’univers comme ensemble qu’une représentation imaginaire et mythologique, difficile à appréhender pour nous, et pleine de flous et de contradictions, à nos yeux, sinon déjà aux leurs. Ils le voyaient comme un immense sphéroïde creux, dont la partie supérieure, et lumineuse, formait l’« En-haut », ou « Ciel », et sa symétrique inférieure, et obscure, l’« En-bas », ou « Enfer ». Il était coupé, sur le plan diamétral, par une sorte d’île centrale la « Terre », doublée, en dessous, par l’Apsû, nappe d’Eau douce, et environnée par l’Eau salée de la Mer. Aux deux extrémités, orientale et occidentale, de ce système, il semble que l’on avait imaginé de hautes montagnes, pour soutenir la voûte céleste, et surtout deux orifices, qui assuraient le libre passage de l’espace d’En-bas à l’espace d’En-haut et vice-versa. Le Soleil en sortait, à l’orient, le matin, pour sa course diurne au Ciel, et il y entrait, le soir, à l’occident, pour un parcours nocturne inverse, qui le ramenait, à l’aube, à son point de lever. L’orifice occidental était, pensait-on, précédé d’un espace aqueux appelé « Fleuve infernal » (cf. p. 154, n. 3).
C’est la partie orientale de ce tableau qu’illustre le mieux, à sa manière, notre Épopée. Errant hors des terres habitées, vers l’orient, Gilgameš serait arrivé d’abord aux Monts-jumeaux (p. 158), gardés par les Hommes-Scorpions.(ibid.), et formant un étroit et obscur passage de 120 km ( p. 161s ), qu’il aurait traversé pour se trouver au jardin enchanté des Gemmes (p. 163s), et, plus loin, sur la plage où résidait la Tavernière Siduri (p. 165). De là, conduit par le Nocher d’Uta-napištî (p. 175), il se serait embarqué pour rejoindre ce dernier dans son refuge, séparé de tout et de tous, à l’extrémité du monde, et défendu par la terrible passe des « Eaux-mortelles » (p. 170, n. 1).   [ ... ]

Source :   « L'Épopée de Gilgameš  —  Le grand homme qui ne voulait pas mourir »
Traduit de l'akkadien et présenté par :  Jean Bottéro
Éditions :  Gallimard 1992
imprimé et dépôt légal :  février 2013
les extraits couvrent le contenu des :  pages 12 et 13





L'ÉNIGME DU ZODIAQUE

de Jacques Sadoul,
Éditions J'ai Lu, 1973,
pages :  311.
( l'extrait couvre les pages : 36 à 48 )


Chaldée
On appelait Chaldéens ( Kaldu ) des tribus vraisemblablement sémitiques venues, peut-être en avant-coureurs des Araméens, auxquels ils devaient être plus ou moins apparentés, s'installer dans la partie méridionale de la Babylonie, laquelle s'est dès lors appelée volontiers Chaldée. Ce nom s'est étendu ensuite à la Babylonie entière, et l'on appelle parfois « chaldéenne » la dernière Dynastie indépendante du pays, après 609.

in : MÉSOPOTAMIE : l'écriture, la raison et les dieux de Jean Bottéro,
nrf, Éditions Gallimard, 1987, pages :  397; ( extrait de la page : 350 ).


[ ... ]    En fait, les premiers documents astrologiques un peu complets, que nous possédions, remontent à l'an 1900 avant J.-C. et ont été découverts dans les ruines du palais d'Assourbanipal. Il s'agissait de briques de terre cuite recouvertes de caractères cunéiformes. Nombre d'entre elles étaient brisées, mais du fait de la coutume des Chaldéens — ainsi que des Assyriens — de conserver leurs archives en double exemplaire, on a pu en reconstituer un assez grand nombre. La plupart se réfèrent à un traité d'astrologie fondamental rédigé par Sargon l'Ancien lui-même, le roi d'Akkad, soit vers le IVe millénaire avant notre ère. Mais, même dans les textes astrologiques les plus anciens qui nous soient parvenus, il était fréquemment fait référence à des textes remontant à une plus lointaine Antiquité. Ainsi on constate que les astrologues établissaient leurs prédictions « conformément aux termes d'une tablette qui n'existe plus », ou bien d'après « l'Illumination de Bel, citée dans une tablette qui n'existe plus ». Ce point est essentiel car il prouve que la période sumérienne de l'astrologie ne saurait être considérée comme son début historique, mais seulement comme la plus ancienne trace que nous en possédions.
    Du point de vue des doctrines, les astrologues chaldéens enseignaient que les cinq planètes visibles à l'œil nu, qu'ils appelaient interprètes, décelaient par leur mouvement les intentions des dieux. Par suite, leur étude, ainsi que celle des éclipses et des comètes, devait permettre de prévoir ces desseins pour les nations comme pour les hommes. « Ayant observé les astres pendant un nombre énorme d'années, écrivait Diodore de Sicile, les Chaldéens en connaissent plus exactement que tous les autres hommes le cours et les influences et prédisent sûrement bien des choses de l'avenir. »
    On peut se demander comment les Sumériens et leurs descendants, dont les instruments de mesure étaient primitifs et qui n'avaient pas nos connaissances mathématiques, ont pu établir les calculs compliqués que nécessitaient la prévision des éclipses et la rétrogradation des planètes, tels qu'on en a découvert, par exemple sur des tablettes de l'époque de Sargon d'Agadé, retrouvées dans la bibliothèque de Ninive. Certains phénomènes astronomiques, invisibles à l'œil nu et cités dans ces tablettes, laissent supposer que les Sumériens — tout comme certains bergers du désert à l'heure actuelle — avaient une vue beaucoup plus perçante que la nôtre. René Berthelot note dans son étude La pensée de l'Asie et l'astrobiologie :  « Il y a chez les Chaldéens un effort pour déterminer de véritables longitudes et latitudes célestes dont les Égyptiens ne nous offrent pas l'équivalent ...  C'est l'astronomie chaldéenne qui a eu recours à la division sexagésimale du temps et à celle du cercle et qui les a liées l'une à l'autre dans un système unique de numérotation sexagésimale. On lui doit la division de l'heure et du jour comme celle du cercle », plus loin il ajoute :  « Une tablette ninivite du XIIe siècle avant J.-C. signale déjà la marche errante des planètes, leurs stations et leurs rétrogradations afin de les situer dans le zodiaque. 
    Car ce sont également les Babyloniens qui, à une date malheureusement incertaine, ont été les premiers à utiliser le zodiaque et à attribuer à chacune de ses cases un symbolisme particulier. Nous ne possédons pas de représentation zodiacale complète très ancienne, mais de nombreux fragments ont été retrouvés dans les ruines de Ninive. Le bestiaire aujourd'hui familier était déjà au complet, avec une différence notable cependant, et dont nous aurons l'occasion de reparler, le Scorpion s'étendait sur deux cases, l'une pour son corps et l'autre pour ses pinces, qui est plus tard devenue le signe de la Balance.
    C'est ce zodiaque qui allait être introduit dans le monde occidental vers l'époque de Bérose.
    Ceci nous ramène à Bérose, ce prêtre-astrologue chaldéen qui vécut au IIIe siècle avant notre ère. C'est essentiellement grâce à lui que l'astrologie gagna l'Égypte et la Grèce; en effet Bérose s'expatria et écrivit, dans la langue d'Homère, une histoire de son pays dont il fit hommage au roi ANTIOCHOS 1er Sôter ( « Sauveur » ). Ce livre est aujourd'hui perdu mais de larges extraits ont été reproduits par divers auteurs de l'Antiquité et on sait que en dehors de sa partie historique, il y expliquait en détail l'astrologie chaldéenne, ce qui créa un grand mouvement de curiosité, puis d'enthousiasme chez les Grecs. On invita alors Bérose à venir s'installer dans l'île de Cos, patrie d'Hippocrate, où il pourrait enseigner son art aux étudiants en médecine qui venaient en pèlerinage dans cette région. Pline raconte que ses prédictions se révélèrent si exactes que les Athéniens lui érigèrent en remerciement une statue dont la langue était dorée. Parmi elles, on assure qu'il avait prévu pour la Terre entière deux cataclysmes effroyables :  un déluge d'eau lorsque toutes les planètes seraient réunies dans le signe du Capricorne et un déluge de feu lorsqu'elles seraient groupées dans le signe du Cancer. Mais quels qu'aient été ses talents divinatoires, il est certain que c'est à son enseignement — et pratiquement à son enseignement seul — que l'astrologie grecque doit sa naissance, et nous verrons qu'il en a été de même pour la science des astres de l'ancienne Égypte.
LES APPORTS GRECS ET ÉGYPTIENS
    Qu'un seul homme, Bérose, ait suffi à répandre l'idée astrologique dans tout le monde grec et dans l'Égypte des pharaons peut surprendre. Il n'aurait probablement pas réussi pareillement si le terrain n'avait été préparé dans ces deux pays par les enseignements des philosophes grecs ou des prêtres de Thot.
    Thalès et son disciple, Anaximandre, affirmaient que l'univers était une fermentation cosmique dont la Terre était le sédiment, et les astres les manifestations extérieures; quant aux animaux, y compris les hommes, ils auraient trouvé naissance au sein de l'élément humide sous l'effet de la chaleur du Soleil, cet astre étant à la fois dispensateur et symbole de la vie. On voit qu'une telle théorie était très proche des dogmes de l'astrologie chaldéenne.
    « Platon parle déjà comme un astrologue quand il dit, dans Le Banquet, que le sexe masculin est produit par le Soleil, le féminin par la Terre et que la Lune participe des deux », écrit fort justement A. Bouché-Leclercq dans son Astrologie grecque.
    La théorie des quatre éléments, attribuée à Aristote, fut récupérée par les astrologues et finit par être le fondement de la physique astrologique de Ptolémée. Ainsi, toutes les philosophies grecques pouvaient s'accommoder de l'astrologie ou, plus exactement, l'art de Bérose trouvait dans chacune d'elles quelque élément qui semblait venir le justifier. Il est à noter que tous les systèmes cosmogoniques proposés par les philosophes grecs étaient géocentriques sauf celui d'Aristarque de Samos qui soutenait déjà que la Terre tournait autour du Soleil. Cette théorie aurait pu entrer en conflit avec les dogmes astrologiques, mais des motifs d'ordre religieux empêchèrent qu'elle se répandît.
    Le zodiaque fut adopté sans discussion en Grèce, mais on le fit commencer au solstice d'été, c'est-à-dire au signe de l'Écrevisse ( ou Cancer ), car ce jour-là marquait le début de l'année grecque. Plus tard, apparemment sous l'influence de l'astronome Hipparque, on revint à l'année chaldéenne qui débutait au Soltice du printemps, avec le signe du Bélier. C'est précisément alors que fut découvert — ou retrouvé — le phénomène de la précession des équinoxes, dont nous aurons l'occasion de reparler 1. Cette découverte astronomique de Hipparque montrait que les constellations, à partir desquelles on avait nommé les signes du zodiaque, n'étaient pas fixes et glissaient peu à peu de signe en signe !  Ce fait ennuya fort les astrologues jusqu'au jour où Claude Ptolémée codifia l'ensemble de leur science et détacha le « zodiaque fictif des signes »qui est fixe, du « zodiaque des constellations » qui se déplace.
_________________
1
Voir page 140 et annexe 2.

    L'esprit subtil des Grecs n'allait pas se contenter d'adopter l'art de Bérose, il allait le perfectionner et nous lui sommes redevables de la création de l'horoscope ( pris dans son sens ancien de pointe de la 1ère Maison 1 ) qui permet l'individualisation du thème natal. C'est le début du système des Maisons astrologiques qui caractérise le thème de chaque personne en particulier et était inconnu des Chaldéens. Il ne faudrait pas croire pour autant que l'astrologie chaldéenne n'aurait appliqué ses prédictions qu'aux seuls rois et aux nations, ignorant les simples particuliers. Ceci est faux comme le montre l'étude de A. Sachs, de l'université de Providence, Horoscopes babyloniens, parue en 1952 dans le Journal of cuneiform studies. Il écrit entre autres, après avoir analysé six thèmes particulièrement indiscutables :  « Ce qui est important est que des siècles avant la période grecque, les Babyloniens ont eu la pratique des prédictions astrologiques aussi bien personnelles que générales. Ce point, qui est banal pour un spécialiste des textes cunéiformes, mérite d'être signalé car, du fait de l'origine grecque de l'astrologie horoscopique, quelques auteurs, manquant d'informations ou se fondant uniquement sur les textes de l'Enuma Anu Ellil, qui est un recueil d'astrologie mondiale, ont outrageusement simplifié le problème entre une forme grecque d'astrologie individuelle, et une prétendue absence de cette même forme chez les Mésopotamiens. » D'ailleurs Proclus cite un texte de Théophraste qui fut un des premiers Grecs mis en contact avec Bérose, où il déclare trouver « merveilleux le fait de prédire la vie de chacun et la mort, et non des choses communes simplement .
_________________
1
Le mot horoscope signifie :  « je regarde ce qui se lève », soit le degré ascendant sur le zodiaque.

    Cela dit, ainsi que l'établit très nettement Sachs :  « Aucun thème babylonien ne mentionne l'horoscope ( le signe ou point du zodiaque qui se lève à l'instant de la naissance ) ni d'ailleurs aucun des autres éléments astrologiques secondaires qui jouent un rôle important dans l'astrologie gréco-romaine ». On peut donc en conclure, sans grand risque d'erreur, que ce sont les Grecs qui ont inventé la domification et les notions d'Ascendant et de Milieu du Ciel. Nous possédons en effet trois représentations de thèmes grecs établis avant l'ère chrétienne, en - 71, - 42 et - 40, et toutes indiquent le signe horoscope. Ceci ne prouve absolument pas que les Chaldéens, et avant eux les Sumériens, n'avaient pas un autre système pour individualiser davantage les thèmes, mais en tout état de cause il ne nous en est parvenu aucune trace.
    Franchissons maintenant la Méditerranée pour gagner l'Égypte où l'astrologie se répandit tout comme en Grèce à partir de l'enseignement que Bérose dispensait dans son école de l'île de Cos. D'où vient alors l'idée fort répandue d'une fabuleuse antiquité des zodiaques égyptiens et, par suite, d'une science des astres égyptienne datant des premières dynasties ?  C'est l'archéologue Charles-François Dupuis qui contribua le plus à accréditer cette idée dans un ouvrage qu'il publia en 1794, Origine de tous les cultes. Il y attribuait une antiquité de plusieurs milliers d'années aux divers zodiaques retrouvés dans les monuments de l'ancienne Égypte, en particulier celui de Dendérah, découvert dans le temple de la déesse Hator et actuellement conservé au musée du Louvre. Dupuis en concluait que la paternité de l'astrologie revenait donc à parts égales aux Chaldéens et aux Égyptiens.
    Or, les archéologues modernes ont eu recours à l'astronomie pour dater ces zodiaques; en effet, ils représentent l'état du ciel à la naissance ou à la mort du personnage momifié auquel ils tiennent compagnie.
    Par suite, la position des planètes représentées permet de calculer astronomiquement la date où un tel ciel a existé. Ainsi, on a trouvé pour le zodiaque de Dendérah la date du 17 avril de l'an 17 après J.-C. !
    Un autre exemple peut être cité :  au début du siècle dernier, l'explorateur Caillaud ramena une momie avec un zodiaque peint dans son sarcophage. Ce dernier fut l'objet d'une communication 1 à l'Académie des inscriptions et des belles-lettres, prononcée par M. Letronne le 16 janvier 18241. « Les premières personnes qui, dans le cabinet de M. Caillaud, dit-il, virent et examinèrent cette momie, étant du nombre de celles qui persistent — en dépit des faits — à regarder les zodiaques égyptiens comme appartenant à une haute Antiquité, prononcèrent d'abord que la caisse de cette momie et la momie elle-même remontent à une époque reculée. Leur illusion éprouva quelque contrariété lorsque, après avoir retourné la caisse, elles aperçurent au milieu des hiéroglyphes les restes d'une inscription grecque. »
_________________
1
Ce mémoire s'intitule « brièvement » :  Observation critique et archéologique sur l'objet des représentations zodiacales gui nous restent de l'Antiquité, à l'occasion d'un Zodiaque égyptien peint dans une caisse de momie qui porte une inscription grecque du temps de Trajan ...

    Cette inscription indiquait que le personnage momifié était mort sous le règne de Trajan, au 1er siècle de notre ère. Quant aux hiéroglyphes, ils furent traduits par Champollion lui-même qui écrivit à M. Letronne :  « A leur tour maintenant, vos observations sur l'inscription grecque de la momie apportée de Thèbes par M. Caillaud, viennent justifier entièrement la lecture que j'avais donnée ...  » On sait aujourd'hui que seul le zodiaque peint au plafond d'une salle du temple d'Esnech date d'avant l'ère chrétienne puisqu'il fut réalisé au temps de Ptolémée III ( 247-222 avant J.-C. ), ce qui nous ramène au IIIe siècle avant notre ère où vécut Bérose. Il est donc légitime de considérer ce prêtre chaldéen comme l'unique origine de l'astrologie égyptienne aussi bien que grecque.
    Le principal apport des astrologues fut l'introduction du système des décans qui est une subdivision des signes du zodiaque en trois parties égales. Cette nouvelle complication envahit bientôt le monde romain et est encore utilisée de nos jours par quelques praticiens.
    Nous voici donc parvenus à Rome où l'astrologie va briller de son plus vif éclat, les esprits superstitieux des Romains étant parfaitement préparés pour accueillir cette nouvelle doctrine.
    Son succès fut immédiat et total, l'opposition de quelques hommes comme Cicéron et Agrippa restant inopérante. Marc Antoine eut son astrologue égyptien attitré ( et à la solde de Cléopâtre, prétend Plutarque ), Auguste fit battre monnaie avec son signe, le Capricorne, sur l'une des faces. Tibère devint lui-même un astrologue expert et, en dressant le thème de Galba, il aurait découvert en lui « l'homme qui goûterait un jour à l'empire ». Dion Cassius prétend même que Tibère faisait étudier les horoscopes des personnages importants de l'empire pour faire assassiner ceux qui risquaient de lui succéder !
    On connaît la réponse célèbre que Agrippine aurait faite à Thrasylle l'astrologue qui venait de lui prédire :  « Votre fils, Néron, régnera, mais il tuera sa mère. » — « Qu'importe, dit-elle, pourvu qu'il règne. »
    Les prédictions des astrologues romains ne furent pas toutes aussi justes. Ainsi, Domitien craignant pour son trône fit exécuter Metius Pomposanius sur les conseils de son astrologue, mais épargna Nerva qui devait lui succéder. Par contre un autre astrologue, Asclétarion, ayant prédit sa chute, Domitien le fit mettre à mort : « Il demanda à Asclétarion, nous rapporte Suétone, quelle serait sa fin à lui-même, comme celui-ci assurait qu'il serait bientôt mis en pièces par des chiens, il ordonna de le mettre à mort sans retard, mais pour démontrer la frivolité de son art, de l'ensevelir avec le plus grand soin. Comme on exécutait ces instructions, il advint qu'un ouragan soudain renversa le bûcher et que des chiens déchirèrent le cadavre à demi brûlé. »
    Les princes croyant en l'astrologie, le peuple les suivit aussitôt dans cette voie et, bientôt, les faiseurs d'horoscopes régnèrent en maîtres sur Rome. Un auteur du IVe siècle après J.-C., Ammien Marcellin, nous raconte que même les incrédules ne traversaient pas une rue « sans avoir au préalable consulté l'éphéméride pour savoir par exemple où est le signe de Mercure, ou quelle partie du Cancer occupe la Lune dans sa course à travers le ciel ».
    Si telle était la conduite des sceptiques, on est un peu effrayé à l'idée de l'emprise que l'astrologie devait exercer sur les croyants !    [ ... ]




HISTOIRE DE L'ASTROLOGIE :
science ou superstition ?

de Serge Hutin,
Éditions Marabout universitaire,
1970, pages :  189.
( l'extrait couvre les pages : 37 à 38 )

[ ... ]    qui se trouverait naturellement à l'opposé même de l'idée moderne, positiviste, d'un progrès qui aurait été continu depuis l'origine de l'espèce humaine. Voici avec quelle force cette grandiose conception des cycles se trouvait condensée par l'astrologue contemporain Dom Néroman 8, écrivant ( on le constatera ) avec une hardiesse intrépide :   « L'idée simpliste que l'humanité actuelle est partie simultanément de zéro sur tous les plans, est une idée fausse. Nous roulons un rocher de Sisyphe. Nous gravissons une pente patiemment, au long des siècles et des millénaires, et tout à coup, une crête atteinte, le sol se dérobe ... »
    La vision cyclique de l'Histoire, que l'on pourrait comparer, en géologie, à la vieille doctrine des « révolutions périodiques du globe », se trouve d'ordinaire astrologiquement associée à des perspectives apocalyptiques :  le passage d'un cycle à l'autre ne s'effectuerait pas sans heurts, ni même sans catastrophes. Citons encore Dom Néroman 9  :  « La Terre, un beau jour, tremble, vacille, se soulève monstrueusement dans les régions civilisées et s'écroule avec fracas sur sa propre boursouflure; les rivages se déplacent, des fonds marins émergent ruisselants de virginité humaine, des continents s'engloutissent avec tout leur poids d'expérience et de sagesse; c'est le grand cataclysme, dont l'humanité entière a gardé le souvenir terrifié sous le nom de Déluge. »
    Dans l'Antiquité, nous trouvons l'astrologie étroitement liée à de telles doctrines cycliques sur le devenir d'ensemble du monde. Représentant bien significatif de cette tradition :  le prêtre chaldéen Bérose, dont l'influence sera immense à l'époque romaine. Il exposait comment le monde se trouverait régi, au long des millénaires, par une série de « Grandes Années ».
_________________
8.
Grande Encyclopédie illustrée des sciences occultes, t. II, p. 129.
9.
op.cit.,p.l33.

    Le déroulement d'ensemble de l'histoire de notre Terre aurait donc ses « saisons » :  son printemps, son été, son automne, son hiver — après lequel débuterait un nouveau cycle terrestre. Quand toutes les planètes se trouvent réunies en conjonction au même point dans le signe du Cancer, il y aurait conflagration générale; au contraire, quand toutes les planètes se trouveraient réunies dans le signe du Capricorne, il y aurait une submersion générale, un Déluge. Chacun de ces cycles cosmiques, qui reproduit exactement la structure ( croissance, apogée, puis déclin ) du précédent, serait — estimait Bérose — de 432 000 années. L'astrologie s'inscrirait en confirmation de la loi cyclique :  chaque fois que les astres reprennent la même position sur la voûte céleste, on retrouverait les mêmes phases du cycle. Il serait impossible de passer sous silence cette doctrine traditionnelle des cycles, de la « Grande Année » dite « platonicienne » ( bien que cette conception soit bien antérieure au philosophe grec Platon ). C'est une doctrine qui se rencontre vraiment partout dans l'Antiquité :  chez les Egyptiens, chez les Chaldéens, chez les Grecs, chez bien d'autres peuples aussi 10. La durée de la « Grande Année » était fixée traditionnellement à 25 920 années; mais on constaterait, selon les peuples et les époques de l'Antiquité, maintes variantes, sur lesquelles nous n'aurons pas le loisir de nous appesantir. Les adeptes anciens et modernes de la cyclologie sont parvenus à une extrême complexité dans leur détermination précise de la « Grande Année » et de ses subdivisions plus ou moins nombreuses.
_________________
10.
Cf. J. Bidez, Bérose et la Grande Année, Mélanges Paul Frédéricq, Bruxelles, 1904 — W. Bousset, Die Himmelrelse der Seele, Archiv fur Religionswissenschaft, vol. IV.




EXTRAIT DE CORRESPONDANCE

Voici un extrait d'un message
reçu par le courrier électronique,
en date du 23 novembre 1998.


« J'ai fait, hier soir, une petite recherche dans l'Encyclopédie Universalis.
Ce personnage est cité comme référence mais rien qui ne renseigne sur sa biographie.
Il apparaît même qu'il y ait eu un PSEUDO-BEROSE au XV-ème siècle ...
Voici donc, ci-dessous, ce que j'ai trouvé et qui pourra peut-être vous aider dans vos recherches ...
Amicalement
A.P »


[ ... ]    En Grèce, la doctrine cyclique fait son apparition avec Héraclite ( fragm. 66 ), qui aura une grande influence sur la doctrine stoïcienne de l'Éternel Retour. Au IIIe siècle avant J.-C., BEROSE vulgarisait dans tout le monde hellénistique la doctrine chaldéenne de la « grande année ». L'Univers y est considéré comme éternel, mais il est anéanti et reconstitué périodiquement chaque « grande année » ( le nombre correspondant de millénaires varie d'une école à l'autre ); lorsque les sept planètes se réuniront dans le signe du Cancer (« grand hiver »), un déluge se produira; quand elles se rencontreront dans le signe du Capricorne ( au solstice d'été de la « grande année » ), l'Univers entier sera consumé par le feu. Selon un texte perdu d'Aristote, les deux catastrophes avaient lieu aux deux solstices :  la conflagratio au solstice d'été, le diluvium au solstice d'hiver.
------------------------------------------------------------------------

    Avant son avènement, le prince héritier Nabuchodonosor aurait été, selon BEROSE, associé au trône. Uni à Amytis, fille du roi mède Cyaxare, il est commandant en chef des armées babyloniennes lors de la destruction de Ninive.
------------------------------------------------------------------------

NABONIDE, roi de Babylone ( ~ 555 — ~ 539 )
    Dernier souverain de l'empire néo-babylonien. L'accession de Nabonide au trône de Babylone marque le terme des sanglants épisodes auxquels donne lieu la succession dynastique de Nabuchodonosor.
    Les historiens anciens se contredisent sur le sort qui fut réservé au dernier roi de Babylone. Xénophon affirme qu'il fut exécuté par son vainqueur. Selon BEROSE, cité par Josèphe, il fut relégué en Carmanie.
------------------------------------------------------------------------

SÉMIRAMIS, reine légendaire d'Assyrie
    Figure de l'histoire mésopotamienne passée dans la légende. Diverses traditions ont circulé au sujet de Sémiramis en Orient et ont été rapportées par des auteurs grecs comme Diodore de Sicile et Ctésias de Cnide.
    Sémiramis serait née en domaine cananéen de l'union d'un mortel et de la déesse Derketô. En réalité, il s'agit là d'une généalogie artificielle. Sémiramis et Derketô ne sont que deux aspects de la « déesse syrienne » Atargatis qui, à l'époque hellénistique, était elle-même un avatar de la déesse Anat des textes de Ras Shamra. Exposée à sa naissance, Sémiramis fut nourrie par des colombes jusqu'à ce que le berger Simas l'eût recueillie. Oannès, qui gouvernait la Syrie pour Ninus, roi de l'empire ninivite, l'épousa et l'emmena avec lui dans une expédition contre la Bactriane au cours de laquelle elle manifesta une bravoure et un sens stratégique qui la firent remarquer de Ninus lui-même. Il l'enleva à son mari et l'associa au trône. Il mourut bientôt, et Sémiramis resta seule maîtresse de son immense empire qu'elle ne cessa d'agrandir encore et d'organiser. Elle fonda Babylone — mais BEROSE nie ce point — selon un plan supérieur à celui selon lequel avait été bâtie Ninive, y fit exécuter de grandioses travaux de fortification et d'urbanisme, dont les fameux jardins suspendus.
------------------------------------------------------------------------

LE FÈVRE DE LA BODERIE GUY ( 1541 — 1598 )
    Guy Le Fèvre de La Boderie est né à Falaise. Sa formation doit moins aux études universitaires qu'à l'influence d'un maître savant, Guillaume Postel. Versé en latin, grec, hébreu, chaldéen, arabe et syriaque, Le Fèvre achève en 1567 de transcrire en caractères hébraïques et de traduire en latin le Nouveau Testament syriaque, d'après un exemplaire rapporté d'Orient par Postel. Ce travail est destiné à la Bible polyglotte que prépare à Anvers le grand éditeur Christophe Plantin. C'est un labeur épuisant, et Le Fèvre tombe malade.
    L'année 1572 voit paraître dans la constellation de Cassiopée une étoile qui met l'Europe savante en émoi. Elle inspire à La Boderie un Cantique où l'on découvre l'intérêt du poète pour l'astrologie — encore un héritage de Postel. Mais un plus vaste sujet le sollicite :  retracer le destin civilisateur de l'humanité, dont Scève, dans le Microcosme, avait chanté les conquêtes. La Boderie fait ainsi oeuvre d'historien dans son second grand poème, paru en 1578, La Galliade, ou De la révolution des arts et sciences. En cinq cercles, nous voyons passer de peuple en peuple le pouvoir monarchique et la culture, qui naît en Gaule chez les druides, émigre en Grèce et en Italie, et enfin revient en France à son point de départ, selon une conception cyclique du temps. Ces migrations sont évoquées avec force allusions aux peuples et aux héros mentionnés dans la Bible, dans une poésie parfois barbare, lorsque La Boderie évoque « Nemrod, premier autheur de la rébellion, / Nemrod, fils du noir Cus de nature felonne ... » Ces filiations mythiques proviennent d'ANNIUS DE VITERBE, le pseudo-BEROSE.
    Souvent étranges, les oeuvres de La Boderie procèdent d'un constant souci de déchiffrement, dû à un illuminisme assagi par rapport à celui de Postel, mais profond. La Boderie s'efforce de décrypter les secrets de la Création, en particulier les signes qui annonceront la fin des temps et l'accomplissement des oracles dans le corps mystique de l'Église.  [ ... ]

------------------------------------------------------------------------

    JOHANNES REUCHLIN ( 1455-1522 ), encore mal renseigné sur la kabbale lorsqu'il écrit son De Verbo mirifico ( "Le Verbe qui fait des miracles", 1494 ), révèle, dans le De arte cabalistica ( "La Science de la kabbale", 1517 ), le vrai sens du pythagorisme et impose pour longtemps le Pentagramme du nom de Jésus ( YHWSH ), qui est le Tétragramme rendu prononçable. Il est soutenu par Paul Rici ( Paulus Ricius ), un converti qui passe d'Italie en Allemagne et qui a notamment adapté ce compendium de kabbale qu'est le Shaarei Ora ( "Les Portes de la lumière", 1515 ), ainsi que par Petrus Galatinus, un franciscain qui se prend d'ailleurs pour le Pape angélique annoncé par les disciples de Joachim de Flore ...

    Un autre défenseur de Reuchlin est Gilles de Viterbe ( Egidio da Viterbo, 1465-1532 ), le général de l'ordre des Ermites de saint Augustin, auquel appartient Luther. Imbu des idées du dominicain ANNIUS DE VITERBE ( GIOVANNI NANNI, 1432-1502 ) sur la civilisation araméenne des Étrusques, entouré de savants juifs, dont le plus célèbre est Élias Levita ( 1469-1549 ), Gilles traduit les principaux monuments de la kabbale, où il retrouve le vrai sens de la philosophie italique, dont Virgile fut l'élève.

    De harmonia mundi ( 1525 ) et Problemata ( 1536 ), qui achevèrent de répandre la kabbale, avec celles d'un de ses élèves, le franciscain Archangelus de Burgonovo, qui le pilla et publia sous son propre nom les leçons qu'il avait faites pour expliquer les deux séries de thèses kabbalistiques de Pic de La Mirandole.

------------------------------------------------------------------------

GILLES DE VITERBE ( 1465-1532 )
    Ermite de Saint-Augustin, Gilles ( Aegidius Viterbiansis - Egidio Antonino da Viterbo ), né à Viterbe, fut général de son ordre au temps de la jeunesse de Luther, puis cardinal. Il fut le maître de Girolamo Seripando ( 1492-1563 ) et il est resté longtemps célèbre pour avoir, au concile du Latran de 1512, invité l'Église à se réformer. Cet humaniste, dont l'oeuvre, en raison de ses activités, est restée manuscrite, fut l'ami notamment de Marsile Ficin, de Jean Pic de La Mirandole, de Jean Reuchlin, de Giovanni Pontano, de Jacopo Sannazaro. Des extraits de ses Sententiæ ad mentem Platonis, commentaire platonicien des Sentences de Pierre Lombard, ont été publiés en 1954; son traité des lettres saintes ( Libellus de litteris sanctis ) et sa Scechina, dédiée à Clément VII et à Charles Quint, pour leur exposer les mystères de la kabbale, en 1959; son Libellus de Ecclesiæ incremento, dédié au roi Manuel Ier de Portugal, qui ont été utilisées par des correspondance est en cours. Ces oeuvres, qui ont été utilisées par des historiens de l'art tels A. Chastel et E. Wind, montrent un helléniste qui, imbu des idées de son compatriote ANNIUS DE VITERBE sur la civilisation des Étrusques, trouve dans la kabbale la source des mythes grecs et de la philosophie italique, dont Virgile fut un disciple.
    





Conception et RéalisationJacques Bergeron — Montréal - Québec